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Les labyrinthes de la vie
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21 décembre 2019

El Che (16)

Il faut que je me fixe des limites précises, un cadre à respecter… Par exemple, je pourrais me baser sur ces règles de la rédaction qui m’ont été dictées en cinquième (Madame Dubreuil, une sacré jolie femme, je crois même qu’elle était la maîtresse du professeur d’allemand, mais ça !…). Je les ai quelque part sur mon cahier de cette année-là dans le tiroir de gauche de mon bureau, le plus profond, celui des archives.

Règles d’écriture :

1.Pour bien décrire il faut apprendre à bien observer, à bien sentir les détails qui frappent le plus.

Commentaire : ça semble sans réplique, clair, presque évident. Quoi qu’il en soit, c’est maintenant trop tard pour apprendre à observer et, même si c’était possible, il faudrait s’entendre sur les termes « bien » et « observer », « bien » et « sentir ». Dès qu’il y a un mot en effet, des difficultés se présentent. Terrible… Aucun mot ne veut vraiment dire une chose, toujours une chose et un ensemble d’autres. Alors, on fait semblant de se comprendre et ce sont des dialogues de sourds. Chacun gesticule en vain de son côté. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Évidemment, puisque… Ou plutôt si, je sais que ce n’est pas possible, pas vraiment. Chaque fois que j’ai essayé de discuter, ça a été un échec. Le mur… Tant pis. On n’a qu’à faire comme si on se comprenait, comme d’habitude, alors, pourquoi ne pas continuer ? Tout bien pesé, restent les détails, ils ne m’aident pas beaucoup, au contraire, c’est à cause d’eux que je m’égare.

Si je me mets à parler du vendeur de journaux qui, à bicyclette, remonte le boulevard Britexte (quel drôle de nom pour un boulevard…) et s’arrête, comme chaque matin, à l’hôtel du Lion d’Or, accotant son engin au crépi du mur — qui, à cette hauteur, est jaune ocre, plus haut jaune plus clair — et qui va déposer une dizaine de Midi-Libre, un Figaro, un Le Monde, un Lozère Indépendante et, aujourd’hui, parce que c’est jeudi, un Paris-Match et un Spirou puis ira boire un Casanis au comptoir, parlant au garçon du temps qu’il fait, de celui qu’il faisait hier, peut-être de celui qu’il devrait faire demain, des perspectives que cette météorologie laisse entrevoir pour la pêche à la truite, au goujon, pour les champignons ou les matches de football de l’équipe locale ce qui, si le garçon est ce jour-là en verve — ou inoccupé — introduira une série de pronostics et d’appréciations plus ou moins flatteuses sur l’équipe locale. Si je fais ça, il faudra alors que j’explique pourquoi il est comme ça, pourquoi il s’intéresse à telle ou telle chose plutôt qu’à telle autre, pourquoi on ne l’écoute pas vraiment et par suite pourquoi il rentre saoûl chez lui tous les soirs, donc les réactions de sa femme, le comportement de ses deux enfants — deux garçons —, les actes des voisins, etc. Une suite ininterrompue de causes, conséquences, de causes-conséquences, (et inversement), un enchevêtrement dramatique et inextricable qu’il faudrait dénouer, remontant fil à fil pour éclairer la situation. Seuls les personnages de romans vivent sur des trajectoires simples ou les événements présentent une logique cohérente, celle qui sert à l’auteur pour démontrer sa puissance divine, la capacité qu’il a à mettre en perspective les fondements des existences qu’il présente. Mais je n’écris pas un roman…

Et le livreur de journaux n’est qu’un détail, parmi d’autres. Par exemple, une fenêtre de la mairie qui s’ouvre. Sûrement celle de la salle de réunion que je connais bien parce qu’un de mes amis est le fils du concierge… ou encore le groupe d’enfants qui remonte le chemin du Clapier vers l’orphelinat ou, peut-être, vers Chapelierou…

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