El Che (23)
Il y a les élèves de l’École Normale qui ont fini de tourner sur leur plateau (faut bien donner leurs noms aux choses…). Des groupes se forment :
- ceux qui vont faire une partie de handball
- ceux qui ne veulent pas y participer
- ceux qui se veulent sportifs
- ceux qui se veulent plutôt intellectuels
- ceux qui forment exception et qui se rattachent tantôt à un groupe, tantôt à l’autre (du genre « mens sana in corpore sano » comme disait je ne sais plus qui mais ça n’a d’ailleurs ici aucune importance… on parle de tant de choses que l’on ne connaît pas ou que l’on connaît si mal que c’est tout un. Et puis, après tout j’ai le droit d’aimer les formules latines. Lapidaires, elles sont lapidaires comme dit madame Dubreuil qui n’en perd pas pour autant son charme, même que Bonnafoux — mon voisin de classe — et moi nous faisons souvent des paris à qui verra le plus haut sous ses jupes, nous obligeant ainsi à inventer des tas d’astuces du type « crayon-qui-roule-sous-le-bureau » ou « craie-tombée-devant-l’estrade » ou « chute-malencontreuse-dans-les-escaliers » ; tellement qu’une fois, alors qu’elle s’asseyait dans sa voiture, Bonnafoux s’est foulé un poignet à vouloir plonger « accidentellement » plus vite. Il y a gagné une dispense de devoirs de quinze jours mais il paraît que ce qu’il a vu en valait la peine).
Ces polyvalents ne peuvent être que des faux-jetons. Je n’ai pas confiance. Enfin, l’espèce existe, incontestable… Nous en avons deux comme ça dans notre classe, Boudon, fils du libraire de la rue de l’ormeau et Carles. Mais celui-là c’est plus normal, il est déjà un peu du métier, son père enseigne les sciences naturelles et sa mère est institutrice. Avec une hérédité pareille, il aurait fallu qu’il soit très doué pour s’en sortir.
Bon…
Revenons à nos groupes d’élèves.
Pour l’instant je néglige ceux qui jouent au handball. Un de ces jours je découperai un compte-rendu sportif consacré à ce jeu et je l’insérerai ici.
Les autres se groupent et se dispersent. C’est-à-dire qu’ils forment plusieurs petits groupes dispersés. Vu d’ici, c’est très net. Mais il y a aussi ceux qui vont dans le bosquet qui entoure l’école. Ceux-là, je ne les vois plus. Je ne m’en plains pas : autant d’actions en moins à rapporter.
- Alors c’est entendu, c’est pour ce soir…
- D’ac…
- On attend que tout le monde dorme dans le dortoir, et on se retrouve devant la porte de la chaufferie.
- On passe par la fenêtre du premier ?
- Comme tu veux…
- On ferait mieux de ne pas tous sortir par le même endroit.
- D’accord, Lefranc sort par la fenêtre du premier, Jaunet par celle de la classe des troisièmes années, Lucien par le réfectoire, moi par une chambre des quatrièmes années. Ce soit ils vont au ciné, c’est Barraque qui me l’a dit… Ça va comme ça ?
- Oui
- D’accord
- Bon, maintenant on ne se parle plus de la journée.