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Les labyrinthes de la vie
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29 décembre 2019

El Che (20)

Chapitre II : Où commence vraiment notre récit :

Mathieu Merle avait bien compris la déclaration de guerre de Marie de Crussol, comtesse de Peyre. Aussitôt sorti de la pièce principale du château, il avait réuni ses hommes et recruté (sans difficulté en ces temps de trouble) une excellente troupe de protestants fanatiques. Ce fut un raz-de-marée sur l’Auvergne. En trois ans, il s’était emparé d’une bonne dizaine de places fortes où il s’était solidement établi et que, malgré les édits de pacification, il refusa de rendre. Il tint ainsi plus de cinq ans. Il fallut l’arrivée en Auvergne de l’artillerie du duc d’Anjou pour le forcer à déloger. Alors, toujours poussé par son désir de vengeance, guidé par sa haine des catholiques, il entraîna sa féroce bande de soudards sur les terres du Gévaudan.

En cette nuit du 14 octobre 1577, les troupes de Mathieu Merle bivouaquent dans les bois de la Boulène.

La nuit est humide, du sol, à hauteur des premières branches de pin, des nappes froides de brume, faiblement orangées par les flammes, se figent autour des foyers où, par petits groupes, certains couchés et même parfois endormis, certains assis sur des souches, des selles ou des troncs d’arbres abattus, quelques uns même débouts, des hommes tentent de se réchauffer tendant leurs mains aux flammes, rentrant la tête dans les épaules, s’enroulant dans des capes de laine grossière, se serrant les uns contre les autres, animaux inquiets d’un troupeau abandonné dans la campagne.

Plus loin, dans cette nuit d’octobre 1577, hors de la clairière, groupés sous la garde de quelques hommes, dans les odeurs de champignon et de pourriture du sous-bois, des chevaux qui, par instants, s’ébrouent, se déplacent calmement, tapent du sabot le sol couvert de mousse, brisent des branches basses, mâchent quelque brin d’herbe piqué çà et là.

Plus loin encore, hors de vue du campement, quelques hommes isolés, en sentinelle, surveillent le chemin qui, de Mende, traversant les bois, monte vers le village de Ribennes.

Plus loin encore, seul, dressé près de la source, scrutant la saignée du ruisseau, Mathieu Merle, s’efforce à deviner les murailles de Mende, à saisir, dans la limpidité froide de cette claire nuit d’automne, un reflet de lune sur les hautes pointes aiguës des clochers, n’y parvenant pas cependant, imaginant les hautes murailles veillées par dix neuf tours seulement percée de cinq portes, sûres de leur récente réfection, pensant au fossé qui enserre le tout, aux provisions dont regorgent les greniers, aux hommes d’arme de Philippe de Boisverdun, à la multitude des prêtres qui s’abritent là, à la richesse de cette église qu’il déteste, à la difficulté qu’il y aura à s’emparer de tout cela… Et le poing se crispe sur sa dague, ses traits durs se durcissent, ses mâchoires se crispent dans ce désir de conquête, de vengeance et de richesse mêlés, désir de puissance, volonté d’imposer sa force, sa haine et sa foi à ceux-mêmes qui se croient les moins menacés.

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