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Les labyrinthes de la vie
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9 décembre 2019

El Che (6)

Le plus ennuyeux a été de faire passer les branches à Matabiau et Meyrueis : le conduit souterrain devait mesurer dans les quatre, cinq mètres, la branche la plus longue ne devait pas dépasser deux mètres. Il n’était pas pensable de les porter l’une après l’autre, ça nous aurait pris trop de temps. Ça aurait certainement pris du temps… Et le temps c’est quelque chose à ne pas gaspiller, quelque chose à utiliser au mieux (même s’il est parfois difficile d’estimer ce qu’est ce « mieux »). A l’unanimité, nous avons donc décidé d’établir un relais, l’un de nous se mettrait au milieu du boyau et ferait passer les branches… Qui ? Un problème accessoire que notre entraînement scout à la vie pratique nous permit de résoudre rapidement (si on peut appeler solution notre décision)… Nous aurions pu faire mieux… avec la corde notamment. D’autant que Charlus avait son brevet de nœuds… Nous n’y avons pas pensé… Affolement ? Goût de la difficulté ? Attirance du mystère ? Confiance absolue en la Providence Divine ? Allez savoir ce qui peut provoquer une décision dans des circonstances délicates ! Bref… Nous avons tiré au sort ; le sort m’est retombé sur le nez. Il a fallu que je retourne dans la merde et que j’y reste… J’y suis resté longtemps parce que, une fois les branches passées — une bon trois quart d’heures— j’ai encore dû attendre que Matabiau et Meyruies étayent les rochers. Paraît que là où ils étaient, c’était trop exigu pour nous accueillir tous les trois. C’était vrai en effet, j’ai vérifié plus tard… Quoi qu’il en soit, j’avais de sacrés crampes, des courbatures… Je ne sais si vous vous rendez compte de ma position : nez planté dans la glaise, un bras le long du corps, l’autre en avant pendant deux heures… A la fin je ne pouvais plus bouger… Raide j’étais…

Impossible de sortir de ce trou gluant, coincé comme une taupe un jour d’inondation, je suis devenu raide, coincé, même avec la corde, je ne pouvais plus reculer, fallait avancer. Meysonnier est venu derrière moi et a essayé de me pousser, Grandou a essayé de pousser Meysonnier qui me poussait. On n’a pas avancé de dix centimètres en une demi-heure. On était vraiment coincés et chacun de nous coinçait quelqu’un d’autre. Seul le moral évoluait… pas dans le bon sens. Enfin, tous s’y mettent : Meyrueis tire mon bras, Matabiau tire Meyrueis, Meyssonier me pousse, Grandou pousse Meyssonnier… On s’en est sortis, non sans trouille, j’ai été traumatisé, c’est sûr, je ne supporte plus d’être coincé, aussi lorsque ça m’arrive, je m’efforce de lutter, de surmonter l’adversité. Si c’est possible. Sinon, j’appelle au secours.

Moralement j’étais coincé : je n’ai pas accepté, j’ai décidé de lutter, je suis comme ça… je ne vous dirai pas si je tiens ça de ma grand-mère ou de mon grand-père, je ne les ai pas connus, ni les paternels ni les maternels. Ils ne devaient pas être très solides. De mon père peut-être ? L’endurance maritime… J’en doute, il a plutôt l’air d’un bouchon sur une rivière retenu contre le courant par un fil invisible mais… Toujours est-il que lorsque je décide quelque chose, il n’est pas facile de me faire changer d’avis, une vraie tête de mule (c’est ce que dit ma mère quand elle est très en colère, elle dit aussi : « une tête de cochon », c’est nettement plus vigoureux, plus malsonnant…) J’ai donc décidé de dominer totalement le sujet.

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